Régularisation par le travail: la mission du ministère du Travail transférée au ministère de l’Intérieur

Depuis plusieurs années, de nombreuses préfectures exigeaient une promesse d’embauche pour les demandes de régularisation.

Bien que cela ne soit pas légal, les associations d’aide juridique aux personnes exilé.es avaient fini par intégrer cette exigence car les demandes de titres de séjour sans promesses d’embauche aboutissaient la plupart du temps à une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF). Les promesses d’embauches et autorisations de travail relevaient de la DIRECCTE (Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi), et donc du ministère du travail. Ce qui entraînait des échanges parfois assez longs- entre les deux ministères, du Travail et de l’Intérieur.

Depuis le 1er avril, tout ça, c’est fini. La DIRECCTE n’existe plus. Elle a été remplacée par les DREETS (Directions Régionales de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités). Simple changement de sigle ? Pas seulement. Cette transformation s’inscrit dans le contexte de la loi 4D -Décentralisation, Déconcentration, Différenciation, Décomplexification- qui prévoit de nouvelles économies budgétaires, la suppression d’emplois, et donc la réduction de la qualité des services. C’est aussi l’occasion d’augmenter l’emprise du ministère de l’Intérieur sur l’exercice de certaines missions.

Ainsi, depuis le 6 avril, ce n’est pas la DREETS, mais le ministère de l’Intérieur qui assure le suivi des travailleurs et travailleuses étranger.ères ! La mission du ministère du Travail a été transférée au ministère de l’Intérieur.

Désormais, les demandes d’autorisation de travail doivent s’effectuer par l’employeur et par voie numérique directement auprès des préfectures. Un téléservice a été mis en place. Comme le disait le secrétaire général de la préfecture d’Ille-et-Vilaine à une délégation du Collectif inter-organisations de soutien aux personnes exilées, mobilisé contre la dématérialisation des guichets de la préfecture : « le train de la dématérialisation est en marche et il ne s’arrêtera pas »…

Pour les travailleurs et travailleuses exilé.es, avec ou sans-papiers, c’est une difficulté supplémentaire vers la voie de la régularisation par le travail. Obtenir une promesse d’embauche d’une entreprise n’était pas chose aisée, l’ajout d’une démarche supplémentaire à faire par l’employeur.euse la rend encore plus compliquée.

Jusqu’à présent, les travailleurs et travailleuses exilé.es envoyaient le CERFA sous format papier à la DIRRECTE, qui prenait une décision en fonction du marché de l’emploi et de l’entreprise concernée. Ensuite, la préfecture suivait la décision ou non… Les associations d’aide juridique arrivaient encore un peu à avoir des échanges téléphoniques avec des agents pour discuter des dossiers, ou parfois, les personnes concernées ou les chef.fe.s d’entreprise pouvaient aller directement à la DIRECCTE pour demander où en était leur dossier…

Maintenant, la demande sera envoyée au ministère de l’Intérieur, qui décidera, probablement pas uniquement en fonction du marché de l’emploi, mais plus sûrement en fonction de la politique d’immigration. Sept plateformes interrégionales ont été créées pour gérer les demandes de l’ensemble du territoire. Ainsi, par exemple, les demandes d’autorisation de travail de l’Ille-et-Vilaine seront instruites par une plateforme située à Béthune ! Finis donc les appels et les visites sur place…

(voir la carte sur le lien suivant: https://www.ofii.fr/simplification-des-demarches-demande-dautorisation-de-travail-en-ligne-des-le-6-avril/)

Les démarches en ligne sont annoncées comme « nouvelle étape de la modernisation au bénéfice des étrangers ». Mais les fiches destinées aux employeurs et employeuses révèlent une tout autre réalité : le ministère de l’Intérieur transforme de fait les employeurs et employeuses en auxiliaires des préfectures, les incitant au « flicage ». On peut y lire : « Vérifier qu’il détient un titre de séjour en cours de validité et que ce titre l’autorise à travailler. Cette vérification peut être faite auprès de votre préfecture (selon des modalités accessibles sur le site internet de la préfecture) ».

Ces fiches mettent clairement en avant les étrangers et étrangères ayant déjà un titre de séjour et n’évoquent que de manière très vague la possibilité de demander une autorisation de travail pour un travailleur ou une travailleuse sans-papier : « Certains documents de séjour nécessitent au préalable une autorisation de travail. » avec une petite case à cocher :autre situation de titre de séjour… Il n’y a pas de hasard, c’est volontaire et réfléchi.

Ce qui est sûr, c’est que la démarche est assez dissuasive pour les employeurs et employeuses, et ce n’est donc pas bon pour les sans-papiers…

Sources :