Pourquoi il faut stopper le projet d’installation d’une usine Bridor (groupe Le Duff) à Liffré.
Sévailles, zone agricole et boisée de 21 hectares aux abords de Liffré, à 15 km de Rennes, est menacée par le projet d’installation d’une usine Bridor de production de viennoiseries congelées toutes destinées à l’exportation. Bridor est une filiale du groupe Le Duff, une firme multinationale dont le siège est à Rennes. Firme géante de la restauration rapide et de la boulangerie industrielle, elle rachète des chaînes un peu partout dans le monde, franchise ses enseignes – par exemple la Brioche dorée ou le Fournil de Pierre- et confectionne ses ingrédients dans ses usines Bridor implantées dans l’ouest de la France.
Un projet écologiquement catastrophique
L’association CoLERE (Comité Local pour l’Environnement et la Résilience Écologique) de Liffre voit la bétonisation de cette zone comme une catastrophe écologique. De manière générale, on sait que l’artificialisation des sols, détruit et fragmente des habitats naturels, érode la biodiversité, réduit la capacité naturelle d’absorption du carbone dans les sols par les végétaux et contribue à accroître les risques naturels. Plus précisément, le projet Bridor 3 s’il était mené à « bien » entraînerait :
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la destruction d’un bel espace naturel avec notamment 27 espèces d’oiseaux protégées plus de 1000 arbres que le boisement artificiel, en monoculture, aligné au cordeau ne compense évidemment pas ;
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l’artificialisation d’une tête de bassin versant du Chevré, incluant plusieurs zones humides, ce qui impacterait gravement les flux d’eau souterraine et en surface.
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des pollutions et émissions de gaz à effet de serre supplémentaires : l’usine très énergivore avec ses tours frigorifiques, fonctionnerait avec une noria de camions (environ 170 par jour) livrant intrants et pâte industrielle congelée; entièrement tournée vers l’exportation, via le transport aérien notamment, bilan carbone désastreux ;
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le rejet d’effluents industriels dont une partie significative par épandage ;
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une très forte prédation en eau de la future usine sur le bassin versant de Liffré : la consommation prévue atteint les 200 000 m3 d’eau par an soit une quantité équivalente à la moitié de la consommation actuelle de la commune ce qui risque d’accroître la pénurie en cas de sécheresse. D’autant que le prélèvement effectif en eau pourrait être bien supérieur à celui annoncé puisque l’usine Bridor de Servon/Vilaine construite sur une surface moindre de 9 ha consomme 300 000 m3 d’eau chaque année.
Des emplois en plus ? Oui mais précaires souvent, à la pérennité incertaine et qui se substituent à la possibilité d’autres emplois socialement utiles et écologiquement responsables
Bridor, soutenu par les élus de Liffré-Cormier Communauté, par le président de région et par le Préfet de région, avance oralement la promesse de 500 emplois locaux créés à terme. L’association Colere doute de la solidité de cette perspective :
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A l’ouverture de l’usine, ce sont 200 emplois qui seraient en fait créés (dont combien d’emplois précaires ?)
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Selon l’association, les emplois envisagés, souvent peu qualifiés et peu payés, seront le plus souvent occupés par des travailleurs n’ayant pas les moyens de s’installer à Liffré.
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Ces emplois pourront en outre être fragilisés par les réorganisations et les éventuelles délocalisations.
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Surtout, le renchérissement inéluctable des transports internationaux notamment aériens et les évolutions souhaitables des habitudes de consommation, rendent très aléatoires la pérennité d’une production essentiellement tournée vers l’exportation
L’intérêt économique du projet pour la collectivité semble très fragile :
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En première analyse, peu d’effets d’entraînement attendus sur l’économie locale si les salarié.es ne s’installent pas sur la commune ;
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Aucun débouché supplémentaire pour les producteurs de farine de la proche région, l’usine devant être alimentée par des matières premières non régionales.
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La bétonisation de la dernière zone urbanisable de la commune va à l’encontre de l’impératif de relocaliser l‘alimentation et de créer des emplois non délocalisables, socialement utiles et écologiquement responsables. De fait, le projet industriel artificialise des terres agricoles en bocage ancien, non remembrées, en zone 0 pesticides car tête de bassin versant, prêtes pour le lancement d’une culture en agroécologie. Pour l’association Colere, on empêcherait ainsi définitivement la revitalisation écologique de la zone et la possibilité d’y intégrer de nombreux petits artisans ou paysans capables de produire en local afin d’augmenter la résilience de la commune.
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A ces coûts socio-écologiques multiples subis par la collectivité, il faudrait sans doute ajouter le manque à gagner lié à l’offre faite à Bridor. Le groupe bénéficie d’un prix très bas d’achat des terrains de la ZAC de Sevailles 2 : 10 € le m2 alors que le prix de cession de la ZAC de Sévailles 1 était lui de 35 € le m2. Cette offre particulièrement avantageuse peut être aussi déterminée par la situation financière de la Communauté de Commune qui, selon la Cour des Comptes, doit faire face au déficit prévisionnel estimé à 1,7 M €, d’une autre ZAC, celle de la Mottais à Saint-Aubin-du-Cormier, du fait notamment de la découverte de larges surfaces de zones humides, non commercialisables ( https://www.ccomptes.fr/fr/publications/liffre-cormier-communaute-lcc-ille-et-vilaine).
Un projet emblématique du capitalisme de la mal-bouffe
Le patrimoine professionnel de Louis Le Duff, principal actionnaire du groupe du même nom, est passé de 0,23 milliards d’euros en 2009 à plus de 2 milliards d’euros en 2021, et a donc été multiplié par 9 en 12 ans (https:// www.challenges.fr/classements/fortune/louis-le-duff_351) . Le rythme de cette accumulation a été accéléré par la mondialisation de la production et des débouchés du groupe Le Duff.
Le projet Bridor 3 prolonge pleinement cette stratégie d’accumulation
capitaliste : avec cette stratégie d’exportation massive, il s’agit d’accroître la taille des marchés pour concentrer la production sur des sites géants où on réduit considérablement les coûts unitaires de production : d’abord par des économies d’échelle, mais également par une pression sur le coûts des matières premières commandées en gros, par les gains de productivité que l’intensification du travail standardisé permet et par la pression à la baisse sur les salaires facilitée par le recours au travail peu qualifié. Côté distribution, le recours à des réseaux de franchises permet de minimiser les coûts et les risques et donc de maximiser les profits.
Pour que de tels profits soient accumulés et appropriés par la famille Le Duff, il faut qu’un ensemble de coûts sociaux et environnementaux soient eux externalisés – c’est-à-dire non pris en compte par l’entreprise – et socialisés – c’est-à-dire soient subis et pris en charge par la collectivité. Coûts écologiques induits par les pollutions multiples et l’épuisement des « ressources » provoqués par ce modèle agro-alimentaire de production et de distribution. Coût social de la déqualification des emplois et de la destruction d’emplois notamment d’artisans indépendants tant en France qu’à l’étranger.
Cette accumulation de profit est enfin favorisée par l’emprise des lobbys agro-industriels bretons sur une partie du personnel politique local. Le projet de Le Duff est soutenu activement par Loïg Chesnais Girard, actuel président de la région Bretagne et longtemps maire de Liffré.
Pour toutes ces raisons, il faut aujourd’hui construire et soutenir les mobilisations permettant de stopper ce projet écologiquement destructeur, socialement irresponsable et particulièrement exemplaire de ce qu’il ne faut plus faire.
UD Solidaires 35